Dans le cadre de la démarche DÉSIR, c’est tout d’abord dans la salle des fêtes de MANONVILLE que les adhérents groupe CULTUR’SOL s’est réuni ce lundi 17 juin 2019.

Claude CHALON rappelle brièvement les objectifs du dispositif et reprécise également que le groupe CULTUR’INNOV se nomme désormais BE API. Il fait ensuite une rapide présentation sur les thèmes en expérimentation et les essais en cours.

Il passe ensuite la parole au Docteur Emile BENIZRI, chercheur et professeur à l’Université de Lorraine et à l’ENSAIA. Spécialiste de la rhizosphère, il mène des recherches au sein du laboratoire « Agronomie et Environnement ». Il présente un exposé précis et passionnant portant sur « Le fonctionnement et l’importance de la vie du sol » en commençant par rappeler les rôles du sol, dont l’essentiel, Le sol nourrit le monde : Les sols cultivés et cultivables ne couvrent que 5,5% de la surface du globe et c’est grâce à ces terres que nous pouvons nous nourrir.

Le sol est sensible et menacé par des causes identifiées par la Commission Européenne (Erosion, diminution des teneurs en matières organiques, contamination, imperméabilisation, tassement du sol, diminution de la biodiversité, glissements de terrain)

Quelques chiffres qui interpellent :

  • 1 cm de sol met 150 ans à se former et 10 minutes pour disparaître
  • Selon la FAO : 33% des sols à l’échelle mondiale sont modérément ou gravement dégradés
  • L’érosion provoque la perte de 20 à 40 milliards de tonnes de couche superficielle de sol chaque année
  • 3,77 milliards d’hectares dans le monde subissent diverses dégradations
  • En France : 3000 ha/an deviennent infertiles

Fort de ces constatations, il fait part de l’importance de la nécessité d’agir pour maintenir (plutôt retrouver) un sol de qualité en veillant sur l’équilibre de ses 3 composantes essentielles : physique, chimique et biologique. L’accent sera porté plus particulièrement sur la fertilité biologique sur sol, la rhizosphère qui représente la face cachée de la plante est néanmoins très importante.Elle est l’interface entre la plante, le sol et les organismes du sol (microorganismes, macrofaune)

Pour information : Système racinaire de blé : 6m2et 200 m de longueur.Sous un pied de maïs, 15 à 30 kms de racines. D’une manière générale, suivant le type de plante, de sol, et de culture, ce sont entre 20 000 et 100 000 kms de racines qui cheminent sous un hectare de sol.

Les organismes dans le sol sont très importants et jouent un rôle essentiel à son équilibre. Par ha on y retrouve des bactéries (1 à 2 tonnes), des lombrics (0 à 2,5 tonnes), des champignons (2 à 5 tonnes).  En comparaison aux sols prairial et forestiers, ce sont les sols cultivés qui enregistrent le plus grand nombre de cellules au cm3. Ces microorganismes contribuent à la dégradation des matières actives en moins d’une année.

Le sol influence la composition de l’atmosphère. En particulier, il stocke et relâche des gaz à effet de serre. C’est un puits pour le carbone (au niveau mondial, il y a dans les sols 3 fois plus de carbone que dans la végétation, 2 à 3 fois plus que dans l’atmosphère)

Accumuler du carbone dans les sols (principalement dans la matière organique) est généralement bénéfique pour leur fertilité agricole et pour diminuer la richesse en CO2de l’atmosphère : le sol est l’un des acteurs majeurs des évolutions climatiques.

 

L’Agriculture de Conservation, un levier à la préservation des sols. C’est une 3ème voie agricole, entre agriculture conventionnelle et agriculture biologique. Elle place le sol au cœur du système de production. Elle s’appuie sur 3 piliers complémentaires : Couverture temporaire et permanente du sol, semis sans perturber les différents horizons du sol, diversité et rotation des cultures.

Des plantes compagnes sont utilisées, cependant il est important de bien les choisir, souvent ce sont des légumineuses gélives. Il faut veiller à ce qu’elles ne fassent pas concurrence à la culture d’intérêt.

Des chercheurs de l’Inra ont comparé 79 essais en plein champ (moitié Nord-Ouest de la France) afin d’évaluer les effets de l’association du colza à diverses plantes compagnes sur le salissement des parcelles, la nutrition azotée et les rendements de récolte du colza d’hiver.

Il en résulte :

  • Pendant la phase de croissance automnale, colza et plantes compagnes, mais aussi mauvaises herbes, rivalisent vis-à-vis des nutriments et de la lumière. Le colza est moins affecté par cette compétition lorsque les plantes compagnes sont des légumineuses car celles-ci sont moins compétitrices pour l’azote du fait de leur capacité à fixer l’azote de l’air
  • À l’entrée de l’hiver, la présence de plantes compagnes a permis de réduire la biomasse des mauvaises herbes de 38 à 52 %, sans qu’aucune espèce n’apparaisse être plus efficace qu’une autre
  • À la récolte, les plantes compagnes non légumineuses ont diminué le rendement en colza (moins 5,8 qx/ha par rapport au colza pur) mais, à l’inverse, les plantes compagnes légumineuses, comme la fèverole seule ou en mélange avec la lentille, ont conduit à une augmentation de ce rendement de 1,6 à 1,2 qx/ha

Féverole, lentille ou un mélange des deux ont par ailleurs permis de réduire les apports d’azote jusqu’à 25% (30 à 40 kg/ha), sans que le rendement de la culture ne diminue significativement.

Émile BENIZRI conclue avec ces mots :

Le sol est vivant ! C’est un véritable écosystème, même s’il est souvent vu comme un simple minéral.

Sans vie sous terre, pas de sols. Sans sols, pas de vie sur terre…….

Après le déjeuner, les travaux pratiques prennent place avec les observations des essais mis en place chez Philippe DELAIRE à MARTINCOURT. Ils portent, sur l’implantation de couverts permanents et plantes compagnes. Claude CHALON et Sébastien GUIOT restituent en détail les différents protocoles réalisés sur la plateforme :

  • Maitrise des couverts dans les colzas et dans les blés
  • Sélectivité des herbicides
  • Fertilisation (formes et doses) et couverts permanents
  • Variétés de blé avec 3 dates de semis (2/9/2018 • 2/10/2018 • 22/11/2018)

Ces essais ont, entre autre, l’objectif de mesurer l’effet de différents leviers agronomiques sur la pression des ravageurs du colza (fertilisation sur la ligne de semis, effet leurre des plantes compagnes, effet des traitements de semences….)

Le groupe se rend au cœur de la plateforme où le travail réalisé en amont prend tout son sens. Ainsi, les adhérents peuvent visualiser concrètement les parcelles.

Grâce à l’implantation des couverts permanents, il est constaté qu’ils agissent parfaitement sur le salissement des parcelles et réduisent l’utilisation d’herbicides et de produits phytopharmaceutiques.

L’agriculture de conservation, lorsqu’elle est conduite correctement est une réponse significative aux enjeux sociétaux de demain quant à la diminution des intrants.

Les équipes techniques de la Coopérative Agricole Lorraine travaillent de concert avec des adhérents impliqués et poursuivent leurs investigations à travers des plateformes comme celle de MARTINCOURT pour apporter des réponses à nos adhérents soucieux d’une agriculture responsable.